Nature Morte ou Nature Vivante ?
La Nature Morte est un des thèmes phares de la peinture ou du dessin. C’est un exercice de style qui a évolué avec les époques et les techniques mais qui reste toujours d’actualité, que ce soit pour les artistes reconnus, les amateurs ou apprentis silencieux.
Dans les écoles d’art, l’exercice de la Nature Morte s’invite régulièrement sur les tables de dessins, faisant travailler les ombres et les lumières, le mouvement du fruit, la profondeur de la composition, les nuances des gris, le violet pour marquer l’ombre, les points de lumière, les choix de la palette et des nuances…
Diderot la décrivait ainsi « Une nature morte est une peinture qui représente des objets inertes appartenant au règne de la nature ou des produits de l’industrie humaine ». D’autres termes sont ou ont été employés pour désigner ce thème : « vie silencieuse, nature reposée ou nature inanimée. »
L’histoire de la Nature Morte remonte à l’antiquité. Les premières natures mortes connues du monde occidental sont des fresques et des mosaïques provenant de Campanie (Herculanum et Pompéi) ou de Rome : exécutés dans un style illusionniste, fruits veloutés, poissons et volailles posés sur une marche de pierre ou sur deux étagères, en trompe l’œil, parfois avec des ombres portées…
Au fil des siècles, ce style fut parfois placé par des artistes au bas de la hiérarchie comme la peinture de « choses mortes et sans mouvement ». Le terme Nature Vivante fut également employé mais ce fut La Nature Morte qui l’emporta.
Pour en savoir plus sur l’histoire de la Nature Morte le dictionnaire Larousse en donne une très belle définition.
Mais pourquoi ce terme Nature Morte ? N’est-elle pas Vivante ? Colorée ? Animée ?
Des peintres que l’on découvre sur internet font des représentations incroyables dans le détail et la ressemblance à s’y méprendre entre une photographie et une peinture. La technique prime parfois sur l’expression, le style est impeccable, presque trop parfait, aucun trait de peinture se détache de la poire, de l’assiette ou de la fleur.
Comment pourrions-nous définir ces œuvres qualifiées de Nature Morte alors que la vie s’est répandue à travers ces fruits, ces plantes, ces jambons ? Ces compositions finalement représentent la vie, celle que l’on voit sans toujours s’en rendre compte, dans nos cuisines, sur nos tables, dans nos vases, sur les étals des marchés.
N’avez-vous jamais remarqué qu’en rentrant du marché, en plaçant vos fruits dans une coupe, vous aviez un tableau devant vous ? Que la pomme aux reflets rouges se mariait avec la poire jaune et verte ? Que l’avocat accentuait la couleur de la prune et des noix ? Qu’une assiette de dessert mise en valeur est une création ? Qu’une poêlée de légumes surmontée d’herbes fraîches et d’un filet d’huile d’olive symbolise une œuvre vivante ? Que la sauce blanche dans une assiette grise agrémentée de baie rouge nous raconte une histoire que nous ne voyons pas toujours ? Sommes-nous attentifs à ces créations éphémères ?
Ainsi le therme académique de Nature Morte est peut-être approprié ou accepté à l’unanimité mais si notre regard s’ouvre, il découvre alors autour de lui, des Natures Vivantes, riches de saveurs, de couleurs, de textures. Il est difficile de rendre ces tableaux vivants sur toile et pourtant certains artistes ont le talent de nous faire goûter la poire ou sentir la rose en peinture. Notre main s’invite, effleurant la toile pour vérifier que la tomate est bien « plate » et sans saveur, alors que son rouge éclate près de la mozzarella.
Les peintures à l’huile, à l’aquarelle, à l’acrylique nous servent à rendre vivant ce que nous goûtons dans la vie au quotidien, à éveiller notre regard sur la Nature, qu’elle soit académique, structurée, timide, maladroite ou symbolique.
L’Art se permet toutes les fantaisies, les couleurs, les formes mais les artistes ont-ils vraiment inventé quelque chose qui n’existe pas dans La Nature ?
Ou sont-ils simplement des mémoires de notre vie, à travers leur prisme, leur amour de l’art, de la Vie ?
Ils nous permettent en effet d’être plus attentifs à notre environnement, à percevoir la beauté dans une papillote de lotte, une terrine de faisan, un potiron, une tasse de thé, des miettes de biscuits secs.
La Vie est autour de nous et nommer « Nature Morte » une représentation de ce qui nous rend vivant est assez loufoque finalement ?
Peu importe le terme que les académies de peinture ont choisi pour définir un exercice de style et mettre dans une catégorie des peintres du vivant. C’est celui qui regarde qui a le dernier mot et qui saura dire si pour lui cette peinture est réussie, belle, laide, surprenante, gourmande, légère et parfumée.